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« tsunamis »

11.1.2005, Yolande MUKAGASANA
Mes condoléances à tout être humain qui, comme moi, se sent concerné par la catastrophe qui vient de s'abattre de nouveau sur l'humanité en faisant des centaines de milliers de victimes innocentes, dont des enfants. Mes sincères condoléances à toutes ces populations éprouvées. Je souhaite beaucoup de courage aux survivants car il n'est pas facile de reconstruire. On peut parfois réussir la reconstruction de ce qui est matériel, mais le soi est toujours plus difficile.

Que soit remerciée sincèrement la Communauté internationale qui n'est pas restée cette fois-ci les bras croisés. Cette fois on peut souligner la mobilisation des médias et des politiques restée sans égal pour venir en aide aux pays sinistrés et aux victimes. Je ne peux oublier que tout cela est dû à l'excellent travail et l'harmonisation des médias qui ont pu nous rapporter ce qui se passait dans l'éthique et l'honnêteté, de tout cœur je l'espère car ce n'est pas toujours le cas. Je soutiens avec force cet élan de solidarité et de générosité.

Enfin je dis merci aux ONG humanitaires qui n'ont ménagé aucun effort pour venir en aide aux populations et surtout aux survivants. Mais, je crie à la protection des enfants, qui, comme tout le monde le sait, sont les plus fragiles et les plus vulnérables dans des situations pareilles. Je crie à la non-adoption immédiate des enfants dans une urgence extrême. Dans une catastrophe, on ne peut pas savoir si ces enfants sont des orphelins adoptables. On ne peut pas savoir s'ils sont des orphelins et sans aucun autre lien familial qui aurait survécu ou qui serait ailleurs dans le monde.
L'adoption est une bonne chose en soi car elle allège la souffrance des orphelins et des parents qui adoptent. Mais n'oublions jamais qu'elle a aussi ses côtés négatifs, aussi bien pour les enfants adoptés que pour les parents adoptifs. C'est aussi parfois une épreuve de la vie.

Pour rappel, pendant le génocide au Rwanda, des enfants ont été raflés et adoptés sans aucun respect de la loi internationale sur les adoptions. Un jour ils demanderont des comptes à leurs parents. Les enfants voudront absolument connaître leurs origines. Que leur diront leurs parents adoptifs? Quelle sera la vie de ces enfants dans des non-dits? Quelle sera la vie de ces parents qui ayant construit la vie de ces enfants sur le mensonge? Qui sera responsable de toutes ces vies brisées?

Je remercie beaucoup la société civile, qui, grâce à sa générosité et sa compassion, les survivants pourront se relever et reconstruire sur leurs blessures. Dans l'espoir que ces milliards de dollars iront là où il faut!
Tout cela m'amène à me poser beaucoup de questions:

Est-ce plus facile d'intervenir lors d'une catastrophe naturelle car personne ne se sent ni responsable ni coupable? Ici ce ne sont pas des humains qui ont provoqué la mort des autres humains. Seuls les tsunamis, un phénomène naturel, difficile et non maîtrisable! Personne ne serait coupable que de la non-intervention, ou de la prévention des spécialistes avertis qui ne se seraient pas donné la peine d'informer le monde du danger.
Survivante d'une catastrophe qui n'était pas naturelle, je vous rappelle le génocide dans mon pays.
Est-ce parce que le génocide est un crime de l'humain sur l'humanité, que la mise en question de soi est aussi difficile jusqu'à paralyser beaucoup de médias, et que l'humain ait eu des difficultés de se sentir concerné? Le couple politique -média, qui, d'habitude nous mobilise et nous sensibilise sur les situations n'a pas fait son devoir d'informer et de mobiliser pour sauver la mémoire collective sur ce génocide. Le résultat est là aujourd'hui.

Comme tout habitant de l'union européenne, comme tout citoyen interpellé et sensibilisé de cette catastrophe humaine, comme toute personne représentée pas les nations unies, comme africaine d'Afrique noire, comme survivante du génocide, j'ai gardé les trois minutes de silence. Comme je l'ai gardé un certain 11 septembre pour marquer mon respect envers les innocents, victimes d'une mort injuste. Pour marquer ma solidarité et inscrire tous ces morts dans une mémoire collective pour ne jamais les oublier. Poser un acte pour la mémoire en soutien aux survivants à l'usage des générations.

Mais, je ne comprends toujours pas pourquoi, nous n'avons pas pu tous ensemble marquer cet instant de silence qui aurait permis à tous de se rappeler plus d'un million de mères, d'enfants, de vielles personnes, d’hommes, torturés, humiliés et tués au Rwanda dans l’ombre du silence et l'abandon. Un moment de silence collectif aurait été magique car il aurait conscientisé le monde pour la reconnaissance et la justice du génocide des tutsis du Rwanda. Même aujourd'hui la Communauté Internationale reste divisée sur l’idéologie de division et de crime qui ravage l'Afrique. Ce signe d'engagement aurait permis l'éradication de la violence en Afrique où l'on tue encore des humains pour ce que l'homme a fait d'eux.
S’il y a un silence depuis 1994, on parlerait plutôt d’une amnésie, d’un abandon, d’un silence complice du crime, un silence d'une violence inouïe qui dure depuis plus de dix ans. Ce silence est encore là, il n’est pas le même que celui que nous gardons par solidarité pour les victimes des tsunamis. Combien ont gardé silence par respect pour nos morts et par solidarité pour les survivants, à l'usage des générations humaines pour le Rwanda de demain et pour l'humanité?

Pourquoi deux poids deux mesures quand il s'agit des êtres humains?

Excusez-moi, l'homme ne me laisse aucun choix, vu ce qu'il continue à faire de moi et tous les autres survivants rwandais.



Signé Yolande MUKAGASANA
Survivante du génocide au Rwanda
pro dialog